Randonnée au Col de la Chapelotte
- Lavoyageusebruchoise
- 1 nov. 2024
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 janv.
Au cœur des Vosges, le Col de la Chapelotte garde les traces d’un passé douloureux, celui de la Première Guerre Mondiale. Situé entre les villages de Raon-l'Étape et Celles-sur-Plaine, ce site a été un théâtre de combats intenses entre les troupes françaises et allemandes de 1914 à 1918, dans des tranchées creusées à flanc de montagne et des bunkers bâtis pour résister à des attaques incessantes. Les batailles de la Chapelotte furent particulièrement violentes, la configuration du terrain favorisant les positions de défense dans un cadre montagnard rude et difficilement accessible. Dominant la vallée, le col servait d'observatoire stratégique et de poste avancé pour contrôler les déplacements ennemis.
Aujourd’hui, le Col de la Chapelotte est devenu un lieu de randonnée historique. En empruntant ces sentiers, tu découvres non seulement la beauté de la nature mais aussi les vestiges d’une époque où cette région a été déchirée par la guerre. Avant de te lancer dans cette exploration, il est utile de se rappeler ce qui a transformé ces paysages paisibles en champs de bataille.
La Première Guerre mondiale dans les Vosges : un front stratégique
La Première Guerre mondiale, qui éclate en 1914, prend racine dans un enchevêtrement de tensions politiques, territoriales et économiques entre les grandes puissances européennes. L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, est l’étincelle qui embrase le continent mais ce sont les rivalités entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, et leurs alliés respectifs qui attisent le feu de ce conflit mondial. Dès les premiers jours de la guerre, chaque nation cherche à avancer rapidement pour obtenir l’avantage stratégique. Dans cette logique, les Vosges, avec leurs cols et leurs points d’observation naturels, deviennent un enjeu crucial pour les forces françaises et allemandes.
La guerre dans les Vosges n’avait pas l’ampleur des batailles de la Somme ou de Verdun mais elle fut tout aussi brutale, marquée par des assauts continus dans un environnement difficile. Les positions stratégiques, comme le Col de la Chapelotte ou le Col du Donon, offraient aux belligérants une vue dégagée sur les mouvements ennemis dans la vallée et les contreforts des montagnes environnantes. Rapidement, les armées ont creusé des tranchées, construit des postes d’observation et organisé des positions fortifiées, donnant lieu à une guerre de positions particulièrement éprouvante.
Au Col de la Chapelotte, la situation est particulièrement ardue, avec un froid glacial, de la neige, et des infrastructures limitées pour se protéger. Les années passent et le conflit s’enlise dans une guerre de tranchées aussi coûteuse en vies humaines qu’en ressources matérielles. Les deux armées s’affrontent jour et nuit pour conquérir des hauteurs, établir des postes d’observation et creuser des galeries. Dans les Vosges, les soldats de chaque camp doivent s’adapter à des conditions de survie extrêmes.
En 1918, après quatre années de souffrances et de pertes massives, la Première Guerre mondiale touche à sa fin avec la signature de l'armistice du 11 novembre. La région des Vosges garde alors les cicatrices de ce passage, les forêts marquées par les cratères d’obus, les tranchées et les bunkers abandonnés. Ce paysage est devenu un sanctuaire où la nature et l’histoire coexistent et où les randonneurs d’aujourd’hui peuvent, en toute liberté, s’imprégner de ce passé tragique en suivant les chemins des soldats.
La bataille sanglante du Col de la Chapelotte
Le Col de la Chapelotte, que tu t’apprêtes à explorer, fut un lieu hautement stratégique dès les premiers mois de la Première Guerre Mondiale. Sa position dominante dans la vallée en faisait une plateforme idéale pour observer les mouvements ennemis. En s’y installant, Français et Allemands espéraient chacun contrôler ce point de vue crucial, au prix d’une guerre de tranchées aussi interminable que meurtrière.
Le 23 août 1914, le Col de la Chapelotte devient un point stratégique crucial. Ce jour-là, le Zeppelin n°8, redoutable dirigeable allemand, est abattu entre Celles-sur-Plaine et Badonviller. Cet événement marque le début d'une période de combats intenses dans la région.
Les combats au Col de la Chapelotte furent marqués par une brutalité sans relâche. Les tranchées, creusées dans les pentes abruptes, se trouvaient parfois à quelques mètres à peine des lignes ennemies, ce qui rendait les assauts extrêmement périlleux. Pour chaque position gagnée ou perdue, des vies étaient sacrifiées dans des attaques incessantes. Ce fut notamment le cas autour du Haut des Planches, une colline proche qui servait d’observatoire stratégique aux Allemands. De leur côté, les Français occupaient les tranchées et les bunkers de l’autre versant, tout en essayant de repousser constamment l’ennemi.
La guerre atteint son paroxysme avec une guerre des mines qui dure près de 30 mois. En effet, à cette époque, les soldats pratiquaient même la guerre souterraine. Ils creusaient des galeries, jusqu’à 80 mètres de profondeur, en direction des lignes adverses, posaient des explosifs, puis faisaient tout sauter pour créer un effet de surprise dévastateur. 55 explosions ravagent la cote. Ces tunnels, désormais effondrés ou recouverts par la végétation, rappellent aujourd’hui cette stratégie d’attaque sournoise, où chaque camp tentait de miner les forces de l’autre.
Le 27 février 1915, en plein hiver, les Allemands lancent une attaque majeure pour consolider leurs positions sur la ligne Domèvre - Bréménil – la Chapelotte – Allarmont. Malgré les contre-attaques françaises, ils parviennent à maintenir leur emprise et fortifient massivement le front. Pour en apprendre davantage sur ce front souvent oublié, le Centre d'Interprétation et de Documentation 1914-1918 (CID) à La Menelle, sur la commune de Pierre-Percée, propose une collection d'objets et d'archives relatifs à ces événements historiques.
En parcourant les sentiers du Col de la Chapelotte, tu aperçois les traces de cette guerre dans le relief et les aménagements militaires laissés sur place. Des monuments commémoratifs jalonnent aussi le parcours, en mémoire des soldats qui ont combattu et perdu la vie dans ces montagnes vosgiennes. Aujourd’hui, chaque pas dans ce décor invite à se souvenir de cette bataille intense.
Une randonnée immersive sur les traces du passé
Le sentier débute à gauche de la chapelle, un repère discret dans le paysage. Dès les premiers mètres, le calme environnant te plonge dans une ambiance particulière, presque solennelle. Tu traverses rapidement une première zone marquée par les tranchées ; à 200 mètres du départ, un embranchement t’indique de suivre le chemin de gauche, balisé d’un anneau jaune. Ici, tu traverses une partie de l’ancien champ de bataille. Au carrefour suivant, continue à droite, guidé par le balisage rectangle vert. Ce passage te mène vers une crête surplombant la vallée et offre une vue imprenable sur les alentours.
Plus loin, au niveau d’une ligne haute tension, tu aperçois les rochers du Haut des Planches, un ancien observatoire allemand et haut-lieu de résistance durant la guerre. C’est un endroit où l’imagination peut facilement te transporter un siècle en arrière, lorsque les sentinelles surveillaient les mouvements ennemis dans la vallée en contrebas. En continuant sur le chemin balisé par une croix bleue, tu arrives aux Roches Ganaux, le terminus du circuit. Ce site spectaculaire, situé en hauteur, témoigne encore des stratégies de défense militaire avec les rochers jumelles qui dominent le dernier tronçon du sentier.
Le retour s’effectue en suivant le même itinéraire, balisé de la croix bleue puis du rectangle vert pour regagner le parking. Accessible d’avril à octobre, la randonnée peut aussi se faire accompagné d’un guide de l’Association Guerre en Vosges, qui propose des visites commentées. Ces excursions guidées enrichissent l’expérience en t’apportant des détails supplémentaires sur les batailles, les stratégies et la vie des soldats dans ce contexte difficile.
Voici l’itinéraire de randonnée que nous avons utilisé : Lien vers GPX.
Pour parcourir cette randonnée historique, munis-toi de bonnes chaussures et de vêtements adaptés à la météo. Si possible, télécharge la carte GPX, car le dédale de tranchées peut facilement te désorienter. Le parcours, d’une difficulté moyenne, s’étend sur dix kilomètres et présente un dénivelé de 310 mètres, se parcourant en environ quatre heures. Pour une expérience idéale, privilégie les saisons du printemps et de l’automne, où la lumière, la brume et les couleurs apportent une atmosphère unique à ces lieux de mémoire.
Le Col de la Chapelotte est plus qu’un simple itinéraire de randonnée ; il s’agit d’un parcours de mémoire, une immersion dans un passé difficile à imaginer mais essentiel à comprendre. En revenant de cette balade, tu gardes en mémoire le contraste entre le calme des paysages et les échos d’une époque marquée par le courage et le sacrifice de milliers de soldats. La randonnée du Col de la Chapelotte invite à la réflexion, au recueillement et au respect de ceux qui ont combattu sur ces terres.
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