Randonnée au Château de Landsberg
- Lavoyageusebruchoise
- 9 mai
- 6 min de lecture
À flanc de montagne, entre Barr et le mont Sainte-Odile, les ruines du château du Landsberg se tiennent à 580 mètres d’altitude. Le sentier balisé depuis l’auberge du Moenkalb te conduit vers cette forteresse oubliée, construite il y a plus de huit siècles pour protéger les abbayes perchées sur les hauteurs d’Alsace.
Cette randonnée courte et régulière te permet de découvrir non seulement un lieu historique remarquable, mais aussi un site naturel unique, où fleurit chaque hiver une plante méditerranéenne rarissime : l’éranthe d’hiver ou Schlosselblum (en alsacien). Entre nature et architecture défensive, la balade autour du Landsberg te plonge dans une histoire millénaire.
Une forteresse au service des abbayes
Le château du Landsberg ne surgit pas du néant. Il est le produit d’un temps précis, celui de la fin du XIIe siècle, où les abbayes régnaient sur les hauteurs d’Alsace et où les seigneurs laïcs assuraient leur défense. Vers 1197, Conrad de Viennehege, un chevalier local, obtient de l’abbesse de Niedermunster un terrain stratégique situé à la lisière des forêts. Il y fait bâtir une première forteresse. En prenant le nom du lieu — Landsberg — il inscrit sa famille dans une logique féodale classique : protéger pour régner, construire pour durer.
Ce premier château, souvent appelé « château vieux », s’organise autour d’un donjon quadrangulaire accolé à un logis. Une chapelle castrale y est intégrée dès l’origine et son chœur orné d’un oriel (toujours visible) sur la façade. Il abritait une peinture murale : un Christ bénissant, entouré d’anges, chargé de veiller symboliquement sur l’entrée.
Le site est bien plus qu’un simple poste d’observation. Il s’inscrit dans une véritable ceinture de châteaux forts destinés à protéger quatre abbayes majeures : Hohenbourg (Mont Sainte-Odile), Niedermunster, Truttenhausen et Andlau. Ces fondations religieuses, puissantes sur le plan spirituel et foncier, s’appuient sur des alliances avec la noblesse locale pour assurer leur sécurité face aux incursions et rivalités féodales.
Vers 1235, le château est étendu vers l’ouest. On parle désormais de « château neuf », bâti selon un plan plus ambitieux : une vaste basse-cour, trois courtines épaisses, deux tours circulaires défensives et deux logis supplémentaires. Cette double structure — château vieux et château neuf — est un cas assez rare dans l’architecture castrale alsacienne. Les deux ensembles, séparés par un fossé, sont finalement unifiés au XVe siècle, quand les guerres et les armes à feu imposent de moderniser la défense. Le Landsberg n’est alors plus une simple tour de guet : c’est une forteresse opérationnelle, adaptée aux techniques de guerre de son temps.
Mais le château n’échappe pas à l’érosion du pouvoir féodal. Délaissé, partiellement démantelé, il perd son rôle militaire. Pourtant, son nom continue de résonner. Une chronique, certes sans source claire, évoque le Landsberg parmi les lieux supposés de sabbat cités lors de procès de sorcellerie à Meistratzheim au XVIIe siècle. Une réputation obscure qui témoigne d’une chose : même à l’abandon, ces ruines impressionnaient.
En 1808, la famille de Turckheim en devient propriétaire. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, les premières campagnes de fouilles et de consolidation débutent. On dresse des plans, on publie des gravures, on restaure certains murs — notamment grâce à la Société pour la Conservation des Monuments Historiques. Durant la Seconde Guerre mondiale, le donjon est réutilisé comme poste d’observation, avant que son accès ne s’écroule dans les années 1960.
Depuis 2020, une association de bénévoles, Les Amis du Landsberg, redonne vie au site. En lien avec les services du patrimoine de la Collectivité européenne d’Alsace, ils entreprennent des travaux de sauvegarde. En 2022, ils restaurent même une cheminée du XIIIe siècle, témoin de la vie quotidienne dans le château neuf.
Le Landsberg n’est donc pas une ruine morte. C’est un chantier permanent, un lieu où la pierre et l’histoire continuent de dialoguer, porté par des mains passionnées.
Une randonnée paisible autour des ruines du Landsberg
La boucle qui entoure le château du Landsberg est courte, régulière, et ne présente aucune difficulté technique. Elle commence au parking de l’auberge du Moenkalb, à quelques minutes de Barr, sur la route viticole. Tu accèdes au point de départ par une route étroite mais carrossable, bien indiquée, qui serpente à travers les vignobles puis s’enfonce dans la forêt.
Le circuit totalise 4,2 kilomètres, pour environ 1h30 de marche, avec 220 mètres de dénivelé cumulé. Il suit un itinéraire en forme de boucle, bien balisé dans les deux sens. À l’aller, tu suis le chemin de la Via Mala, marqué d’un losange rouge : un sentier en lacets, légèrement montant, qui traverse une hêtraie sombre et tranquille.
Après une vingtaine de minutes de montée, le château du Landsberg apparaît progressivement entre les arbres. La structure principale est située sur un promontoire granitique à 580 m d’altitude, bien dégagé, ce qui permet d’observer les volumes encore debout. Tu distingues nettement les deux parties du château : le vieux donjon quadrangulaire, tourné vers la plaine, et les restes du château neuf, à l’ouest, avec ses deux tours rondes d’angle, ses logis en ruine, et une vaste cour intérieure.
L’accès est libre et non clôturé. Il est donc important de rester prudent, surtout si tu es accompagné d’enfants. Globalement, la circulation entre les différents éléments du château est facile. C’est un lieu où l’on peut s’attarder, deviner l’ancienne cheminée restaurée ou encore observer les archères percées dans les murs.
Ce moment au sommet est sans doute le plus marquant du parcours. Non seulement pour l’architecture en elle-même, mais aussi pour le panorama qu’elle offre : par temps clair, on aperçoit au loin la plaine d’Alsace.
La descente s’effectue ensuite par un large chemin forestier balisé en rectangle rouge-blanc-rouge (GR5). Tu longes les sous-bois à flanc de montagne, dans une lumière plus douce. Ce retour est moins raide et il permet d’observer une autre facette du massif : des clairières, des rochers sculptés par l’érosion et quelques pins sylvestres au port tortueux.
Mais l’un des moments les plus inattendus, c’est la rencontre avec la floraison hivernale de l’éranthe d’hiver, si tu effectues la balade entre mi-janvier et mars. Cette plante, Eranthis hyemalis, pousse ici de façon presque exclusive dans l’Est de la France. On la trouve à l’état naturel uniquement au pied du Landsberg et dans quelques jardins botaniques. Elle tapisse littéralement les abords du sentier, en nappes serrées, d’un jaune éclatant. En alsacien, elle est appelée Schlosselblum, la fleur du château.
On raconte qu’un chevalier croisé l’aurait rapportée de ses campagnes pour l’offrir à la femme qu’il aimait. Bien que la plante ne pousse pas au Proche-Orient, cette légende locale ajoute une poésie discrète au lieu. Dans les faits, la plante est originaire du nord de l’Italie et aurait été introduite ici pour ses usages médicinaux. Elle est classée comme toxique et affecte le système cardiaque et digestif. Mais sa présence en ce lieu précis, année après année, en fait une curiosité presque magique.
Peu avant la fin du circuit, tu passes devant la maison forestière du Landsberg puis rejoins un petit kiosque, idéal pour une courte pause. La boucle se referme en douceur et tu retrouves ton point de départ. Cette randonnée n’est pas spectaculaire. Elle ne cherche pas à l’être. Elle propose un lien direct avec l’histoire locale.
Un château à explorer… et à préserver
Marcher autour du château du Landsberg, c’est entrer dans un lieu qui doit autant à la pierre qu’aux hommes et femmes qui veillent sur elle. Cette ruine que tu peux explorer librement, cette nature que tu as traversée en toute sécurité : rien de cela ne serait possible sans l’engagement bénévole de celles et ceux qui œuvrent, souvent dans l’ombre, à préserver ce site.
Depuis 2020, l’association Les Amis du Landsberg s’est donné pour mission de sauvegarder les ruines, stabiliser les maçonneries, nettoyer les abords et accueillir les visiteurs. Grâce à eux, une cheminée médiévale a été restaurée, des campagnes de consolidation ont été lancées et la flore rare autour du château a pu être étudiée sans être arrachée. Leur travail est discret mais indispensable.
Et ils ne sont pas seuls. Le Club Vosgien, en balisant et entretenant les sentiers, permet chaque année à des centaines de randonneurs d’accéder au site dans de bonnes conditions. Ensemble, ces acteurs locaux maintiennent vivant un patrimoine qui sans eux se refermerait sur lui-même.
Tu peux rejoindre les Amis du Landsberg si tu veux aller au-delà de la simple balade. Ils recrutent régulièrement des bénévoles. Pour les contacter :
📱 Facebook : Les Amis du Landsberg
📍 Ou directement sur place, les 1er et 3e samedis du mois, lors de leurs chantiers ouverts.
Aucune compétence particulière n’est requise pour commencer : un peu de temps, de bonne volonté et l’envie de participer à une aventure patrimoniale locale.
Et si cette découverte t’a donné envie d’en apprendre plus, je te recommande le guide Balades autour des châteaux forts d’Alsace, publié par I.D. l’Édition. Il propose une soixantaine de circuits similaires, dont celui du Landsberg, enrichis de cartes et d’informations historiques. Un excellent outil pour prolonger l’expérience, seul, en famille ou avec des amis.

Alors n’attends pas. Prépare ton sac et prends le sentier. Le château du Landsberg t’accueillera, comme il le fait depuis plus de 800 ans — à toi maintenant de prendre soin de lui.
[Mise à jour : Mai 2025]
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