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Escapade à Eguisheim et Kaysersberg

  • Lavoyageusebruchoise
  • 11 mai
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 mai

Tu n’as pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour t’émerveiller. Une journée suffit parfois pour redécouvrir la richesse d’un patrimoine que l’on pense connaître. C’est ce que j’ai ressenti quand j’ai visité (à nouveau) Eguisheim et Kaysersberg, deux villages alsaciens qui n’ont rien à envier aux destinations lointaines. Plus jeune, je rêvais de vivre près de la mer, au soleil. Mais avec le temps, j’ai réalisé à quel point ma région, l’Alsace, est un trésor à ciel ouvert, comme un carnet de voyage où chaque page dévoile un événement marquant de l’Histoire, de notre histoire.


Eguisheim, enroulé comme une spirale autour de ses anciens remparts, se dévoile au fil des ruelles et des maisons à colombages, typiques de la région. Ce décor de conte aurait même inspiré les studios Disney pour la création du village de La Belle et la Bête. Les similitudes sont troublantes : les ruelles pavées, la fontaine centrale, les façades pastel … Quant au village de Kaysersberg, il t’offre un contraste saisissant : une ville au passé stratégique, riche de conflits et de reconstructions, nichée au creux d’une vallée verte.


Je t’invite à me suivre pour cette belle journée au cœur de l’Alsace touristique, celle qui voit défiler des milliers de touristes venus du monde entier pour découvrir son Histoire, ses traditions et sa gastronomie.



Eguisheim et Kaysersberg, deux villages au charme médiéval


Eguisheim : aux origines d’un territoire millénaire

Eguisheim n’est pas né d’hier. Des vestiges de la préhistoire, mis au jour dès 1865, attestent que le village est occupé dès le Paléolithique. Les fouilles ont révélé des restes d’un homme néandertalien, mais aussi des sépultures celtiques, des objets gallo-romains, et une tuile estampillée "Prima Legio Martia", une légion de Dioclétien, datée entre 284 et 305.


Au VIIe siècle, Eguisheim entre dans les chroniques mérovingiennes. La puissante lignée des Etichonides, à laquelle on attribue la naissance de sainte Odile, gouverne l’Alsace. Un de leurs descendants, Eberhard, fonde au VIIIe siècle le château autour duquel le village s’organise. C’est une résidence fortifiée, comme on en construisait dans une région frontalière soumise aux ambitions franques puis impériales.


Vers l’an 1000, Hugues IV de Nordgau y installe son pouvoir comtal. Son fils, Bruno d’Eguisheim, deviendra pape sous le nom de Léon IX. Il est probable qu’il soit né dans le château du Haut-Eguisheim, encore visible aujourd’hui sur les hauteurs. Ce pape réformateur incarne la place éminente d’Eguisheim dans l’Église et l’Empire médiéval.


Le village se développe au fil des siècles autour de ses cours colongères — des domaines agricoles gérés par les ordres religieux ou les grandes familles. L’abbaye de Pairis, celle de Marbach, ou encore le couvent des Dominicains de Colmar possèdent ici granges, chapelles, et cours bien administrées. Ces domaines, aujourd’hui transformés en habitations ou en restaurants, ont gardé leurs structures d’origine et offrent un aperçu rare de la gestion féodale des terres.



Kaysersberg : une place forte impériale

Kaysersberg, littéralement "la montagne de l’empereur", porte bien son nom. L’empereur Frédéric II y fonde une place forte dès 1227, pour contrôler la vallée de la Weiss, passage stratégique entre Alsace et Lorraine. Le château qui domine le bourg servait de verrou défensif dans cette vallée des Vosges, très convoitée.


Rapidement, la bourgade prospère grâce au commerce du vin. En 1293, elle obtient le statut de ville d’Empire : elle dépend directement de l’Empereur, sans seigneur local. Une indépendance rare, qui garantit sa liberté politique et économique.


Kaysersberg entre alors dans l’histoire alsacienne comme une ville active, dotée de couvents, de commanderies, de marchés. Elle rejoint la célèbre Décapole en 1354, cette alliance de dix villes libres qui se protègent mutuellement et pèsent dans les décisions régionales.


La ville connaît aussi les douleurs de l’Histoire : la guerre des Paysans de 1525, la guerre de Trente Ans, les conflits napoléoniens, puis la Seconde Guerre mondiale où elle devient le verrou de la poche de Colmar. En 1944, les combats y sont féroces. Kaysersberg est libérée le 18 décembre, mais garde les traces de cette violence jusque dans ses façades.


Aujourd’hui, elle conserve son château, ses ponts de pierre, ses rues pavées, mais aussi sa mémoire vivante. Elle est le village natal d’Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix.



Ton itinéraire d’une journée entre Eguisheim et Kaysersberg


Découvrir Eguisheim, le village du Pape Saint-Léon IX

Commence ta journée vers 9h dans le village d’Eguisheim. À cette heure-là, les ruelles sont encore tranquilles, avant l’arrivée des premiers groupes de visiteurs. Le cœur ancien du village est organisé en cercles concentriques autour des anciens remparts, un plan unique en Alsace qui invite naturellement à la déambulation. Laisse-toi porter d’une rue à l’autre, entre maisons à colombages aux volets colorés, linteaux sculptés et enseignes en fer forgé.


Ne manque pas la chapelle Saint-Léon IX, érigée à la mémoire de Bruno d’Eguisheim-Dagsbourg, né ici en 1002. Devenu évêque de Toul, il accède en 1049 au trône pontifical sous le nom de Léon IX, et s’illustre comme l’un des grands papes réformateurs du XIe siècle, engagé dans la lutte contre la simonie - l’achat et la vente d’objets religieux comme les reliques - et le renforcement de l’autorité pontificale. La chapelle actuelle date de 1894, construite en style néo-roman sur les ruines supposées de sa maison natale. Elle abrite une châsse de style byzantin contenant une relique du pape ainsi qu’un mobilier riche en symboles religieux. L’intérieur invite au recueillement et au respect de cette figure marquante de la chrétienté médiévale.


Si tu souhaite prendre un peu de hauteur, grimpe jusqu’au parc des Trois Châteaux, situés sur les collines au-dessus du village. Leur silhouette en ruine se détache sur le ciel et offre un panorama exceptionnel sur la plaine alsacienne, les vignes environnantes et les toits d’Eguisheim.


Et si l’envie te prend de découvrir un autre pan du patrimoine local, pousse la porte d’un domaine viticole : la maison Emile Beyer ou la coopérative Wolfberger, toutes deux emblématiques de la tradition viticole pluriséculaire d’Eguisheim. Ici, la vigne est cultivée depuis l’époque gallo-romaine, et chaque cave raconte une histoire que l’on peut déguster.

Vers midi, je te propose de prendre la direction du Caveau Heuhaus pour un déjeuner alsacien typique. Au printemps, leur feuilleté d’asperges aux morilles est une merveille. Le service est rapide, chaleureux, les prix sont doux (compte entre 12 € et 25 € pour un plat) et le patron a le sens de la répartie. L’ambiance est conviviale … comme je les aime !


Ruelle à Eguisheim (Alsace)
Au détour d'une ruelle à Eguisheim | Priscilia K. | 2025

Prendre de la hauteur au Château du Hohlandsbourg

Après le déjeuner, reprends la route pour visiter le château du Hohlandsbourg, à seulement 15 minutes de route d’Eguisheim (parking gratuit sur place). Ce château-fort, perché à 620 mètres d’altitude, surplombe la plaine d’Alsace. Il offre un panorama unique sur les Vosges et la Forêt-Noire.


Construit en 1279 par Sigfrid de Gundolsheim, prévôt impérial de Colmar, le château du Hohlandsbourg occupe une position stratégique exceptionnelle. Perché à 620 mètres d’altitude, il offre une vue dégagée sur la plaine d’Alsace, les Vosges et jusqu’à la Forêt-Noire. Ce bastion fut conçu pour protéger Colmar et surveiller la vallée de Munster, carrefour militaire et commercial de première importance au Moyen Âge.


Le château entre dans le giron des Habsbourg dès la fin du XIIIe siècle, avant de passer entre les mains de plusieurs familles nobles. En 1563, c’est Lazare de Schwendi, baron et stratège de l’Empire, qui le transforme en forteresse moderne. Il y fait construire des bastions d’artillerie, des casemates voûtées et renforce les défenses avec une enceinte massive. Cette modernisation en fait un exemple rare d’architecture militaire de transition entre le Moyen Âge et la Renaissance.


Pendant la guerre de Trente Ans, le Hohlandsbourg change de mains à plusieurs reprises. Finalement, en 1637, les Français le démantèlent sur ordre de Richelieu pour éviter toute réutilisation stratégique. Le site tombe alors dans l’oubli.


Classé Monument historique dès 1840, il ne bénéficie de réelles restaurations qu’à partir des années 1980. Une phase décisive a lieu entre 2011 et 2013, avec la création d’un pavillon d’accueil, d’un espace d’exposition, d’un théâtre en plein air, de salles pédagogiques et d’un restaurant installé dans les anciennes écuries. L’objectif est clair : faire du Hohlandsbourg un lieu de culture accessible, vivant et interactif.


Aujourd’hui, c’est bien plus qu’une ruine à contempler. C’est un site historique animé, où tu peux marcher sur les anciens remparts, découvrir les vestiges défensifs, admirer un panorama spectaculaire ou participer à une animation médiévale selon la saison).


Le château est ouvert tous les jours de 10h à 18h au printemps, et jusqu’à 19h en été. En basse saison, les horaires peuvent varier en fonction des conditions météo ou des périodes d’entretien, donc mieux vaut consulter le site officiel avant ta visite.


Côté tarifs, l’entrée coûte 7 € pour les adultes et 4,50 € pour les enfants de 6 à 17 ans. Pour les familles, un forfait avantageux à 20 € est proposé pour deux adultes accompagnés de deux enfants dans cette tranche d’âge. L’accès est gratuit pour les moins de 6 ans.



Découvrir Kaysersberg, entre vin, pierre et mémoire

En milieu d’après-midi, reprends la route vers Kaysersberg, à environ 25 minutes du château du Hohlandsbourg. À ton arrivée, commence par grimper jusqu’au château impérial, perché sur un éperon rocheux au-dessus du village. La montée est douce, mais prévois de bonnes chaussures : le sol peut être glissant. En haut, la récompense est à la hauteur de l’effort car tu auras une vue magnifique sur le village.


Construit dès 1227 sur ordre de l’empereur Frédéric II, le château de Kaysersberg avait pour but de surveiller la vallée de la Weiss, un axe stratégique reliant la Haute-Alsace à la Lorraine. Il devint rapidement un poste défensif clé face aux ducs de Lorraine, dans un contexte politique agité. Sa tour circulaire, aujourd’hui restaurée, domine encore le paysage et offre un panorama exceptionnel sur le vignoble, les toits rouges du bourg et les crêtes vosgiennes. Bien qu’en ruine, le site conserve une vraie puissance évocatrice. Pas de musée ni d’exposition permanente ici : juste la pierre pour te faire sentir le poids des siècles.


Redescends ensuite dans le cœur historique du village. Traverse le pont fortifié, flâne dans les rues aux maisons Renaissance, entre colombages sculptés et oriels de pierre. Prends le temps de pousser la porte de l'église Sainte-Croix, sobre et robuste, où le retable du maître-autel est une pièce remarquable de l’art sacré alsacien. Sculpté en bois polychrome au début du XVIe siècle, probablement vers 1518, ce retable de style gothique flamboyant est attribué à un atelier colmarien influencé par Martin Schongauer. Il représente une Crucifixion centrale entourée de scènes de la Passion du Christ, encadrées par une profusion de détails finement ciselés. Ce chef-d’œuvre, qui a miraculeusement traversé les guerres et les révolutions sans être démonté ni brûlé, témoigne de la richesse spirituelle et artistique de Kaysersberg.


Si tu as encore un peu de temps, fais une halte au Centre Albert Schweitzer, médecin, théologien et prix Nobel de la paix, né ici en 1875. Le petit musée retrace son parcours humaniste et ses actions à Lambaréné, au Gabon. Il est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h30 à 13h et de 14h à 17h30. Le musée est fermé en janvier. Le tarif d’entrée est de 7 € pour les adultes, 5 € pour les enfants et étudiants et gratuit pour les moins de 6 ans. Le centre propose également une librairie spécialisée et une petite exposition temporaire en complément du parcours permanent.



L’Alsace, un véritable trésor

En quittant Kaysersberg en fin de journée, les dernières lueurs du soleil accrochent les toits en tuiles et les pentes douces des vignes. Au fil de ta journée, tu n’as pas seulement visité deux villages typique de l’Alsace. Tu as renoué avec une mémoire collective mais aussi une terre d’héritages, façonnée par les hommes qui l’ont habités.


Eguisheim et Kaysersberg sont deux manières d’habiter le passé : l’un tourné vers l’Empire et la papauté, l’autre vers l’indépendance et la résistance. Tous deux témoignent d’une Alsace plurielle, à la fois locale et européenne, enracinée et ouverte. Finalement, ils racontent ce que signifie vivre sur une frontière.


Ce que cette journée m’a appris — ou rappelé —, c’est qu’il est inutile de chercher très loin ce qui peut te bouleverser. L’émotion d’un paysage, l’histoire d’un pape né dans une maison modeste ou encore le goût d’un vin transmis depuis l’époque romaine ... tout cela existe à portée de route. Il suffit de s’autoriser à redevenir touriste dans sa propre région.


Alors si tu vis en Alsace, ou si tu envisages d’y passer une journée, laisse-toi guider par ces deux villages. Reviens-y, même si tu les connais. Ils n’ont pas changé — mais toi, peut-être que si. Et tu y verras quelque chose de nouveau.


La prochaine fois ? On ira à Riquewihr et Ribeauvillé, deux autres perles du vignoble alsacien. Une autre histoire à raconter, une autre journée à vivre.


[Mise à jour : Mai 2025]

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